INSUFFISANCE PROFESSIONNELLE OU PAS D'UN FONCTIONNAIRE?
En l'espèce, en engageant une procédure à l’encontre d'un professeur tendant au licenciement pour insuffisance professionnelle, l’administration ministérielle commet ainsi une erreur de droit.
En droit il est constant que la situation administrative de ce fonctionnaire ne relève pas de la compétence de la commission administrative paritaire mais bien de celle du Comité Médical Départemental.
En effet, aux termes du premier alinéa de l’article 70 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat :
« Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. ». Ces dispositions ne sont applicables que lorsque le comportement retenu par l’autorité compétente pour caractériser l’insuffisance professionnelle dont un fonctionnaire fait preuve n’a pas pour origine son état de santé.
C'est ainsi que par un jugement N° 1706864 en date du 30 septembre 2019, le Tribunal administratif de Marseille a justement considéré que :
"Pour prendre la décision de licenciement en litige, le ministre de l’éducation nationale a estimé que les rapports d’inspection dressés à compter de l’année scolaire 2009-2010 soulignent l’incapacité de Mme X à dispenser un enseignement de qualité et conforme aux attentes de l’institution. Ils évoquent également des difficultés de gestion de classe ainsi qu’une dégradation de ses relations avec les élèves. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux du docteur Y, daté du 1er juin 2017, et ceux du docteur Z datés des 29 mai et 23 juin 2017, que Mme X souffre, depuis 2006, d’un syndrome bipolaire et d’une anxiodépression résistants aux traitements médicamenteux, cet état de santé se traduisant par des troubles de l’humeur, un ralentissement psychomoteur, un visage figé, des difficultés de concentration et une apathie générale. L’état de santé de Mme X a ainsi justifié l’octroi de
nombreux congés de maladie et la prolongation de son congé de longue durée pour une durée de six mois à compter du 24 avril 2017, après avis favorable du comité médical départemental en date du 26 juillet 2017. Mme X a également obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par décision de la commission des droits et de l’autonomie en date du 31 août 2017. En outre, il ressort du rapport présenté devant la commission administrative paritaire académique siégeant en formation disciplinaire que jusqu'à l’année scolaire 2008-2009, les évaluations professionnelles de Mme X étaient satisfaisantes, avant que son état de santé ne se dégrade et que n’apparaissent ses difficultés professionnelles. Il résulte donc de l’ensemble de ces éléments, précis et concordants, que la dégradation progressive de la manière de servir de la requérante trouve sa cause dans la seule détérioration de son état de santé. Par suite, en choisissant de licencier Mme X pour insuffisance professionnelle, le ministre de l’éducation nationale a commis une erreur de droit au regard des dispositions citées au point précédent ;
Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme X est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 2 août 2017 par lequel le ministre de l’éducation nationale a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire
d'office cette mesure. ». Aux termes de l’article L. 911-1-1 du même code : « Lorsqu'il est fait application de l'article L. 911-1, la juridiction peut prescrire de réintégrer toute personne ayant fait l'objet d'un licenciement, d'un non-renouvellement de son contrat ou d'une révocation en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 4122-4 du code de la défense, du deuxième alinéa de l'article L. 1132-3-3 du code du travail ou du deuxième alinéa de l'article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, y compris lorsque cette personne était liée par une relation à durée déterminée avec la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public. ».
Eu égard au motif d’annulation retenu, l’annulation de la décision du 2 août 2017 par laquelle le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a licencié Mme X pour insuffisance professionnelle implique nécessairement de procéder à la réintégration de la requérante à compter de la date d’effet de cette décision dans l’emploi qu’elle occupait précédemment. Il y a donc lieu d’enjoindre au ministre de réintégrer Mme X à compter de la date d’effet de la décision du 2 août 2017 et de reconstituer sa carrière à compter de cette même date, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il incombera
ensuite au ministre d’apprécier l’opportunité de mettre en œuvre toute procédure que l’état de santé de la requérante requerrait".
Une telle erreur dans le choix de la procédure applicable en la matière de la part de la Direction des Ressources Humaines du Rectorat ne peut que s’exposer à la censure du juge administratif.
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